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Optimisation de la prise en charge des infections dues à Mycobacterium abscessus basée sur la synergie entre bêta-lactamines et inhibiteurs de bêta-lactamases

Dernière mise à jour 19.07.2024 à 11h49

Axe de recherche : Infection Délégation territoriale : Île de France Domaine de recherche : Recherche fondamentale

Porteur du projet : Jean-Luc MAINARDI

Contexte :
Mycobacterium abscessus est une bactérie responsable d’infections pulmonaires difficiles à traiter chez les patients atteints de mucoviscidose. Malgré un traitement long comprenant une quadrithérapie, les rechutes sont fréquentes surtout en cas de résistance à l’un des antibiotiques de première intention (un macrolide). Une bêta-lactamine, l’imipénème, est utilisée malgré l’existence d’une enzyme qui permet à M. abscessus de détruire cet antibiotique. Nos travaux ont montré que l’inhibition de cette enzyme par des inhibiteurs appartenant à la famille des DBOs comme l’avibactam et le relebactam, molécules approuvées dans d’autres indications, améliore l’activité de l’imipénème. Récemment, nous avons aussi montré que l’activité de la combinaison imipénème-DBOs est renforcée par l’addition d’une deuxième bêta-lactamine, l’amoxicilline. Dans ce contexte, notre projet est de comprendre le mode d’action de cette triple association et d’évaluer son efficacité de manière approfondie in vitro, en intracellulaire et in vivo dans un modèle murin dans l’optique d’une optimisation du traitement des infections pulmonaires à M. abscessus.

Objectifs :
Les objectifs du projet sont d’étudier le mécanisme de la synergie de la triple association amoxicilline-imipénème-DBOs sur la souche de référence de M. abscessus en identifiant les « cibles » de ces molécules, c’est-à-dire les composants bactériens auxquels elles se fixent. Une fois les « cibles » identifiées, nous étudierons comment ces molécules les inhibent. Nous validerons également l’intérêt de cette triple association sur un panel de souches cliniques de M. abscessus isolées de patients atteints de mucoviscidose. En parallèle, nous effectuerons une évaluation approfondie de l’efficacité de cette triple association dans un modèle de macrophage infecté par M. abscessus ainsi que dans un modèle murin. Ceci pourrait permettre de positionner cette nouvelle approche thérapeutique dans les traitements recommandés afin d’améliorer la prise en charge des infections pulmonaires dues à M. abscessus chez les patients atteints de mucoviscidose.

Perspectives :
Trois axes de travaux seront poursuivis et/ou développés :

  • Axe 1 : Nous identifierons les cibles de l’association amoxicilline-imipénème-DBOs (relebactam) en sélectionnant des mutants résistants à cette triple combinaison et nous séquencerons les génomes de ces mutants. Une première expérience de sélection a permis d’obtenir quatre mutants successifs à chaque étape de sélection. Chaque changement phénotypique semble être accompagné par un polymorphisme au niveau d’un seul gène. Par une méthodologie identique de sélection à partir de huit autres colonies indépendantes de la souche de référence, nous avons obtenu d’autres mutants dont les génomes seront séquencés et les mutations obtenues seront comparées à celles trouvées lors de la première expérience de sélection de mutants résistants. 

    Une fois les cibles identifiées, nous étudierons l’interaction des bêta-lactamines avec leurs cibles en utilisant le carbapénème fluorescent qui sera synthétisé au cours de cette année par notre partenaire chimiste. Enfin, nous évaluerons l’efficacité de l’inactivation des cibles par les bêta-lactamines. Pour ce dernier aspect, l'interaction médicament-cible sera caractérisée par une combinaison d'approches de spectrométrie de masse et de spectroscopie de fluorescence développées par notre laboratoire. En effet, au cours des dernières années, nous avons développé ces techniques afin d’évaluer et de comparer l’efficacité de l’inactivation des enzymes (les transpeptidases) intervenant dans la synthèse de la paroi bactérienne (le peptidoglycane) par différentes bêta-lactamines. Ces approches permettent de déterminer directement les caractéristiques cinétiques conduisant à l’inactivation des cibles par l’amoxicilline, l’imipénème et les DBOs. Pour réaliser ces études, nous produirons chez Escherichia coli des fragments solubles des cibles de M. abscessus qui comprendront le domaine actif de chaque enzyme. Ces enzymes seront purifiées comme précédemment décrit pour les L,D-transpeptidases de M. tuberculosis, agent responsable de la tuberculose.

  • Axe 2 :  Nous poursuivrons l’étude in vitro de l’efficacité des associations de bêta-lactamines et de DBOs sur un panel de souches cliniques de M. abscessus. La recherche d’une synergie in vitro entre l’amoxicilline, l’imipénème et un DBO a été effectuée sur une collection de 42 souches cliniques de M. abscessus. Ces souches ont été isolées de patients atteints de mucoviscidose, ont été typées (MLST), et appartiennent aux espèces M. abscessus stricto sensu, M. massiliense et M. bolletii. Parmi ces 42 souches, 20 souches présentaient une résistance à la triple association par rapport à la souche de référence. La sensibilité de ces 20 souches à la triple association sera déterminée. Les génomes des souches qui ne présenteraient pas de synergie pour ces associations seront séquencés afin d’identifier des mutations qui pourraient être localisées dans les cibles des antibiotiques. 
  • Axe 3 :   L’efficacité thérapeutique de l’association amoxicilline-imipénème-relebactam (DBO) dans le modèle murin sera étudiée par notre partenaire (Pr Herrmann). A deux temps différents post-infection (J10, J17), les organes des souris (foie, rate, poumons, reins) seront prélevés pour dénombrer la charge bactérienne de M. abscessus dans chacun des organes. La masse des rates sera également mesurée et rapportée à la masse des souris. Ces données peuvent être un indicateur indirect de la capacité des antibiotiques à éradiquer la bactérie. Ces données permettront de déterminer si la triple association est plus efficace in vivo que l’imipénème seul ou l’imipénème associé au relebactam.

Résultats obtenus :
Il a été confirmé qu’il existe une synergie entre l’amoxicilline, l’imipénème et le relebactam. En effet, la concentration minimale inhibitrice (CMI) de l’amoxicilline en présence d’imipénème et de relebactam diminue d’un facteur 64 par rapport celle de l’amoxicilline en présence du relebactam seul. La CMI de l’imipénème diminue d’un facteur 4 en présence d’amoxicilline et de relebactam. Nous avons également montré que cette triple combinaison tuait Mycobacterium abscessus in vitro et dans le modèle de macrophage infecté entraînant dans ce modèle une tuerie bactérienne de 82%. Dans le modèle murin, la combinaison imipénème-relebactam entraîne une diminution significative de la charge bactérienne de M. abscessus dans le poumon par rapport à l’imipénème seul. Cette combinaison prévient aussi la formation d’abcès rénaux.